2050

Fusion nucléaire

La fusion nucléaire : le soleil en boîte

Le SCK CEN teste des matériaux de structure pour un réacteur de fusion nucléaire

La fusion nucléaire : le soleil en boîte

Pendant deux ans, le SCK CEN a testé des matériaux de structure pour le réacteur de fusion ITER dans son réacteur de recherche BR2. Les matériaux ont été soumis à un haut flux de neutrons jusqu’à une température de 1.200°C. En 2019, la campagne d’irradiation a été achevée et le réacteur d’essai de fusion du centre de recherche français à Cadarache a fait un pas de plus vers son objectif : démontrer la faisabilité technique et scientifique de la fusion nucléaire. « Jamais dans l’histoire du SCK CEN, nous n’avons atteint des conditions aussi extrêmes », déclare Dmitry Terentyev, coordinateur du projet.

Le soleil sur terre. Une étoile dans un bocal. Beaucoup de surnoms circulent pour la fusion nucléaire, la technique qui imite la production d’énergie du soleil. Concrètement, cela consiste en deux noyaux d’atome d’hydrogène qui entrent en collision et fusionnent en créant un noyau plus lourd (hélium). La fusion nucléaire pourrait fournir une quantité d’énergie presque illimitée sans émettre de gaz à effet de serre. Dans la lutte contre le changement climatique, cela sonne comme une douce musique à l’oreille. Cette technologie devrait également produire moins de déchets radioactifs à durée de vie longue que l’énergie nucléaire « conventionnelle ».

Il faudra encore attendre un certain temps pour avoir une installation de fusion nucléaire opérationnelle. Au centre de recherche français de Cadarache, le SCK CEN travaille au réacteur d’essai de fusion ITER avec une équipe internationale de scientifiques. Le projet ITER doit démontrer la faisabilité technique et scientifique de la fusion nucléaire en tant que source d’énergie utilisable à l’avenir. En 2050, le réacteur ITER sera suivi de DEMO, un prototype de réacteur industriel de fusion nucléaire. Ce prototype devrait faire la lumière sur les possibilités de production commerciale d’électricité.

Des matériaux qui résistent aux radiations

Les défis techniques et pratiques de la fusion nucléaire sont énormes. L’un des problèmes les plus complexes est l’effet du rayonnement sur les équipements, la robotique et les matériaux de structure du réacteur. Dans ce cadre, les scientifiques du SCK CEN ont mené l’an dernier une campagne pluriannuelle d’irradiation dans le réacteur de recherche BR2.

« Durant la campagne, nous avons qualifié les matériaux qui entreront dans le réacteur de fusion. Il s’agissait, entre autres, des matériaux pour la ‘première paroi’ qui est directement exposée au plasma », explique Dmitry Terentyev, expert en fusion nucléaire. « Durant deux ans, nous avons soumis les matériaux à un haut flux de neutrons jusqu’à une température de 1.200 °C. Afin d’approcher au mieux les conditions de la fusion, nous avons développé le dispositif d’irradiation HTHF (High Temperature High Flux). Jamais auparavant dans l’histoire du SCK CEN, nous n’avions testé des matériaux de structure dans des conditions aussi extrêmes. » Dans une prochaine phase, les scientifiques vont cartographier les caractéristiques thermiques, mécaniques et micromécaniques des matériaux irradiés. A cette fin, le SCK CEN travaille en collaboration avec des instituts de recherche en Allemagne, Italie, Suisse et Grèce.


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Le choix du fournisseur

Pour la campagne d’irradiation, les matériaux de structure ont séjourné durant deux ans dans le réacteur de recherche BR2. « C’était le minimum requis pour simuler la vie entière des matériaux dans ITER », poursuit Terentyev. « Nous avons principalement étudié les possibilités du tungstène, de l’acier et du cuivre. Le tungstène dans ITER doit servir d’armure pour le divertor, un composant qui élimine la chaleur et les cendres du réacteur de fusion afin de ne pas polluer le plasma. C’est dans le divertor que les températures sont les plus élevées. La paroi extérieure du divertor, qui est refroidie à l’eau, est réalisée en tungstène. Le tuyau interne dans lequel l’eau s’écoule est en cuivre. L’acier doit supporter la structure de cuivre et de tungstène. »

Les matériaux de base pour le réacteur d’essai de fusion ont déjà été sélectionnés au préalable. Le SCK CEN est maintenant en phase de qualification des matériaux produits par différents fournisseurs. « La réaction du tungstène, de l’acier ou du cuivre aux effets des rayonnements ionisants peut varier de fournisseur à fournisseur », déclare Dmitry Terentyev. « Cela dépend par exemple de la composition du matériau, du processus de production et des installations utilisées. En 2020 et 2021, le SCK CEN va analyser les dommages et les processus de vieillissement des matériaux irradiés. »

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Durant deux ans, nous avons simulé les effets de la fusion nucléaire sur les matériaux de structure. Jamais auparavant nous n’avions atteint des circonstances aussi extrêmes.

Dmitry Terentyev

Un niveau TRL plus élevé

La campagne d’irradiation terminée, la réalisation d’ITER fait un pas de plus. « Nous repartons à la hausse au niveau TRL », annonce fièrement Terentyev. TRL (Technology Readiness Level) signifie « niveau de préparation de la technologie » et fait référence au degré de développement auquel se situe une nouvelle technologie. L’échelle comporte 9 niveaux, de 1 (recherche) à 9 (introduction sur le marché). « Pour le tungstène, nous sommes à un niveau 4 et pour l’acier à un niveau 5. Dans le cas du cuivre, il y a eu une fragilisation inattendue du matériau. Nous devons donc ajuster le concept avant de pouvoir passer à la prochaine phase TRL. »

La recherche de fusion ITER s’inscrit dans le projet EUROfusion, un partenariat H2020 entre l’Euratom et des pays de l’Union Européenne, la Suisse et l’Ukraine. Pour la prochaine étape de recherche, le SCK CEN travaille avec des partenaires internationaux pour développer un nouveau dispositif d’irradiation afin de tester les matériaux de structure des cellules de combustible d’ITER. Le SCK CEN continue donc d’étendre les capacités d’irradiation dans le réacteur de recherche BR2 afin de répondre aux besoins de la recherche sur la fusion nucléaire.

Comparez des projets à grande échelle tels que MYRRHA ou ITER avec l’ascension du Mont Everest. Le sommet est l’objectif ultime, mais le chemin direct pour l’atteindre est impraticable. C’est pourquoi nous prenons un chemin alternatif, un peu plus long : un chemin avec de multiples voies d’accès pour connecter des jeunes chercheurs et célébrer des succès intermédiaires. Cela crée un sentiment de groupe et une certaine motivation.

Hamid Aït Abderrahim (Directeur général adjoint et directeur de MYRRHA)