2027

Le « four » de MYRRHA atteint la température cible

Le SCK CEN fait grimper les radio-isotopes

Le four – le « conteneur cible » de ISOL@ MYRRHA – réussit le premier test d’intégrité

Le SCK CEN fait grimper les radio-isotopes

Les ingénieurs du SCK CEN ont construit le conteneur cible de ISOL@MYRRHA : une sorte de four qui peut monter à 2400 °C. C’est dans ce « four » que le SCK CEN produira à partir de 2027 des radio-isotopes pour des applications médicales et la recherche fondamentale. Pour le centre de recherche, le premier test d’intégrité réussi est déjà du passé. « La jauge de température est montée très vite : un sentiment indescriptible », s’exclame Lucia Popescu, une des forces motrices de ce projet.

En 2019, après une longue préparation, lorsque Lucia Popescu et ses collègues ingénieurs ont branché le conteneur cible d’ISOL@MYRRHA, il est immédiatement devenu orange-rouge. Le four – d’un diamètre d’à peine 4 cm – a atteint sans faute une température de plus de 2000°C. « Nous avons tous ensemble attendu ce moment. Que nous ayons atteint la température attendue sans peine constitue un sentiment indescriptible », raconte Popescu, chercheuse en physique nucléaire.

Un conteneur cible

A quoi sert le conteneur cible ? Popescu : « Actuellement, le SCK CEN travaille intensivement à la construction de MYRRHA, une première mondiale constituée d’un réacteur de recherche piloté par un accélérateur de particules. La construction de MYRRHA se déroule en différentes phases. Durant la phase 1, nous construisons MINERVA, l’accélérateur de particules avec une énergie allant jusqu’à 100 mégaélectronvolts (MeV). Dans la phase suivante, nous allons augmenter le niveau d’énergie à 600 MeV. Cette énergie est nécessaire pour mener à bien toutes les activités prévues, avec en particulier la démonstration de la transmutation au sein du réacteur de recherche MYRRHA. Le réacteur de recherche proprement dit sera construit pendant une troisième et dernière phase, qui se poursuivra jusqu’en 2036. »

À un niveau d’énergie de 100 Mev, le faisceau de protons est dévié. Cinq pourcents sont envoyés vers une installation de séparation en ligne ISOL (Isotope Separation On-Line) dans l’installation de cible de protons PTF (Proton Target Facility). Ces cinq pourcents tirent à travers les cibles dans le conteneur cible de ISOL@MYRRHA. « Les cibles de la taille d’environ une pièce de monnaie et d’à peine 1 millimètre d’épaisseur sont composées d’un matériau poreux », explique Popescu. « Grâce à l’énergie déposée par le faisceau de protons, la température au sein du conteneur cible grimpe à environ 2000°C. Cela permet aux radio-isotopes de s’évaporer des cibles. Ainsi au coeur du PTF, la magie se produit. Cela nous permettra de commencer le développement de radio-isotopes théranostiques, des radio-isotopes utilisés à la fois pour le diagnostic et le traitement du cancer. Le conteneur cible est lui-même logé dans une chambre à vide refroidie à l’eau. »

Une fois que les radio-isotopes s’échappent des cibles, ils commencent à errer. Ils se cognent partout, jusqu’à ce qu’ils trouvent une petite ouverture dans le conteneur cible. Popescu : « C’est ce qu’on appelle un tube de transfert qui amène les isotopes dans un ionisateur. Ils sont ensuite accélérés dans un champ électrique et sont séparés par un champ magnétique sur base de leur masse. Cette dernière opération est très importante. Par exemple, une substance telle que l’actinium-225 a une demi-vie de 10 jours, l’actinium-227 une demi-vie de plus de 20 ans. Il est donc crucial de choisir correctement la masse. Au final, les isotopes sont collectés. »

Un profil de température uniforme

Un profil de température uniforme

Tout d’abord, les isotopes doivent être en mesure d’atteindre le tube de transfert. Un profil de température uniforme joue un rôle décisif dans ce domaine. « Certains radio-isotopes sont tout sauf éphémères et ont besoin de 2 000 °C pour pouvoir s’évaporer », dit Popescu. « Si la paroi du conteneur cible est plus froide à un endroit et qu’un radio-isotope entre en collision avec elle, il pourra s’accrocher à la paroi. Nous perdrions ainsi beaucoup de radio-isotopes. Ce n’est évidemment pas le but. C’est pourquoi nous nous efforçons de maintenir un profil de température uniforme. »

« Le faisceau de protons chauffe les cibles en perdant son énergie. Les cibles rayonnent à leur tour et transmettent la chaleur au conteneur cible. En plaçant les cibles à une certaine distance l’une de l’autre, nous pouvons assurer un profil de température uniforme. Si l’accélérateur de particules est stoppé ou s’il y a une interruption du faisceau de protons, nous maintenons la température à l’aide du courant électrique. Le conteneur cible se comporte alors comme un ‘four’, qui va permettre l’évaporation des radio-isotopes. C’est la dernière façon de chauffer que nous avons testée dans notre four fait maison. »

Le SCK CEN et TRIUMF unissent leurs forces

Le SCK CEN et l’institut de recherche canadien TRIUMF unissent leurs forces. Les deux partenaires se sont promis d’échanger leurs expertises multidisciplinaires et leurs infrastructures. Ils ont joint le geste à la parole car TRIUMF a partagé la conception d’ARIEL avec le SCK CEN. ARIEL signifie Advanced Rare Isotope Laboratory, et est le porte-drapeau de TRIUMF.

D’autres défis

Avec la nouvelle installation ISOL, TRIUMF vise à produire des radio-isotopes rares. La conception de ISOL@MYRRHA ressemblera à celle d’ARIEL. « À l’exception de la conception de l’assemblage cible », souligne Lucia Popescu. « Pour MYRRHA, le faisceau de protons est tiré sur la cible à un niveau d’énergie de 100 MeV, tandis que le faisceau de protons d’ARIEL ne dévie qu’à 500 MeV. Cela pose des défis très différents. Une fois que les radio-isotopes sont évaporés, le fonctionnement est identique. » L’accord de collaboration a été signé en 2019 par Eric van Walle, directeur général du SCK CEN et Jonathan Bagger, directeur de TRIUMF.

Les tests de matériaux

En 2019, le « four » a été testé pour la première fois en le chauffant électriquement. La température cible souhaitée a été atteinte, le vide a été maintenu et le refroidissement a bien fonctionné. L’an prochain, les chercheurs vérifieront si le profil de température uniforme peut être garanti. Ils étudieront également comment le matériau du conteneur cible se comporte dans des conditions extrêmes. « Des températures élevées, des chocs thermiques, un environnement sous vide… tous ces facteurs peuvent altérer l’intégrité du matériau. Par exemple, le matériau peut fondre, alors la porosité disparaît et les radio-isotopes sont piégés dans les cibles. Ou bien des fissures apparaissent dans le conteneur cible et les radio-isotopes sont perdus. Nous sommes impatients de mettre cette construction au point », conclut Popescu.

L’injecteur de MYRRHA délivre les premiers protons

L’injecteur de MYRRHA délivre les premiers protons

L’accélérateur de particules est en cours de construction au Centre de Ressources du Cyclotron à Louvain-la-Neuve. La configuration à Louvain-la-Neuve est limitée à 5,9 MeV. Cette partie basse énergie – l’injecteur – est extrêmement importante pour le comportement du faisceau de protons pendant l’accélération. Il détermine en fait la fiabilité de l’accélérateur. C’est pourquoi le SCK CEN consacre beaucoup d’attention à des tests approfondis.

Mettre ensemble les composants


« Toutes les pièces ont été testées séparément. En mars 2019, il était temps de passer à la phase suivante : faire fonctionner tous les composants en même temps », explique Dirk Vandeplassche, physicien et spécialiste des accélérateurs de particules. Cela s’est rapidement avéré une phase réussie car les premiers protons sortaient sans problème de la source d’ions. Et Vandeplassche d’expliciter : « La source d’ions délivre des protons dont l’énergie est augmentée progressivement. Tout d’abord dans le quadripôle de radiofréquence (Radio Frequency Quadrupole –RFQ) et ensuite par une succession d’aimants et de cavités. Cette accélération nécessite une certaine puissance. Cette puissance est fournie par de puissants amplificateurs. Nos amplificateurs ont été développés et construits par la firme belge IBA. » Les chercheurs ont analysé les premiers protons et se sont préparés à les injecter dans le RFQ. L’injection du faisceau de protons est prévue en 2020.

Déménagement à Mol

Une fois que la partie basse énergie est tout-à-fait au point, le niveau d’énergie de l’accélérateur de particules sera progressivement augmenté. « Dans une première phase, nous construisons MINERVA, l’accélérateur de particules avec une énergie de 100 MeV pour commencer à développer des radio-isotopes médicaux innovants et à effectuer des recherches sur les matériaux. Dans une seconde phase, nous voulons porter le niveau d’énergie à 600 MeV. Avant de réaliser cela, l’accélérateur de particules doit être déménagé à Mol. Tous les travaux de préparation du bâtiment qui abritera MINERVA battent leur plein », conclut Vandeplassche.

Le progrès scientifique est le moteur du développement technologique. Le développement technologique crée à son tour de nouvelles possibilités de recherche et, de cette manière, stimule la science. Ce jeu de vases communicants ne serait possible sans les chercheurs qui en constituent le lien. Des chercheurs de différentes disciplines qui unissent leurs forces. Un environnement de travail où ils peuvent échanger leurs idées est au cœur du processus. Nous tentons donc de garantir un environnement interdisciplinaire afin d’atteindre nos objectifs ambitieux. 

Marc Schyns (Systèmes Nucléaires Avancés)