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Plus de jours de fonctionnement au BR2

Plus que jamais, le secteur médical peut compter sur le BR2

Le SCK CEN porte la disponibilité du réacteur de recherche de 160 à 210 jours

Plus que jamais, le secteur médical peut compter sur le BR2

Le nombre de patients atteints du cancer continue d’augmenter d’année en année. Et avec lui le besoin en radio-isotopes médicaux. « Un approvisionnement en continu est crucial », déclare Steven Van Dyck, responsable du réacteur de recherche BR2 au SCK CEN. Afin d’assurer cet approvisionnement, le SCK CEN a décidé d’augmenter le nombre de jours de fonctionnement du réacteur de recherche BR2 de 160 à 210 jours par an.

En 2016, le monde scientifique et médical a poussé un soupir de soulagement lorsque, après un entretien approfondi, le réacteur de recherche BR2 a été relancé avec succès. Le BR2 est prêt pour au moins une nouvelle décennie de projets ambitieux. « Grâce au ‘refurbishment’ nous sommes techniquement en mesure d’atteindre un degré de fonctionnement plus élevé », a déclaré le SCK CEN après les travaux. Le SCK CEN joint maintenant le geste à la parole. En 2019, le centre de recherche a effectué tous les préparatifs pour faire passer le nombre de jours de fonctionnement de 160 à 210. La raison principale ? La demande croissante de radio-isotopes pour l’imagerie médicale et le traitement du cancer au niveau international.

« C’est une course contre la montre pour livrer les radio-isotopes médicaux à temps pour les patients. Un approvisionnement continu est donc crucial. »

Steven Van Dyck
Un changement d’accent

Un changement d’accent

À l’heure actuelle, les radio-isotopes médicaux occupent les deux tiers des canaux d’irradiation du BR2. Auparavant, c’était différent. « Dans le passé, l’accent était mis sur la recherche sur les matériaux tandis que les radio-isotopes médicaux étaient des sous-produits », précise Van Dyck.

Est-ce la fin de l’histoire pour toutes les autres applications ? « Non », insiste Van Dyck. Le réacteur de recherche BR2 est multi-usage. Il s’agit d’une installation polyvalente et flexible qui peut combiner plusieurs tâches à la fois. « Ainsi nous pouvons utiliser le réacteur à la fois pour produire des radio-isotopes médicaux et industriels, des semi-conducteurs de très haute qualité (silicium dopé) et effectuer de la recherche sur les matériaux. En 2019, par exemple, nous avons mené une campagne pluriannuelle d’irradiation. Ce faisant nous avons fait avancer ITER, le réacteur d’essai de fusion nucléaire au centre de recherche de Cadarache, d’un pas de plus vers son objectif : démontrer la faisabilité technique et scientifique de la fusion nucléaire. »

« La demande pour de telles irradiations ne fera que grandir à l’avenir. Certainement plus encore depuis 2018 car, après 60 ans de bons et loyaux services, le rideau est tombé sur le réacteur de recherche Halden en Norvège. Celui-ci a été utilisé pour la recherche expérimentale sur les combustibles et matériaux de structure. »

Une course contre la montre

« Il n’y a qu’une poignée de producteurs de radio-isotopes médicaux au niveau mondial. Fin 2015, le réacteur OSIRIS a fermé ses portes en France, suivi du NRU au Canada fin 2016. Actuellement, il ne reste plus que six producteurs pour couvrir la demande mondiale. Et la demande croît année après année. Cela souligne la nécessité de la disponibilité de notre réacteur de recherche BR2 », poursuit Steven Van Dyck, le responsable du réacteur. « De plus, il n’est pas possible de constituer des stocks, comme c’est par exemple le cas pour les lignes de production de seringues. C’est une course contre la montre pour que les radio-isotopes médicaux soient à temps et heure disponibles pour les patients. Un approvisionnement en continu est crucial. »

Avec une disponibilité accrue, le SCK CEN contribue déjà de manière vitale à un approvisionnement continu mais le centre de recherche a fait un effort supplémentaire : la capacité d’irradiation a été augmentée. « Pour la production de radio-isotopes à des fins diagnostiques, nous avons équipé un canal supplémentaire dans le réacteur, pour la production de radio-isotopes à des fins thérapeutiques, nous avons doublé la capacité », explique Van Dyck.

Quels radio-isotopes sont les plus produits ? « La majeure partie est réservée à la production de molybdène-99, le radio-isotope le plus important pour le diagnostic. Chaque année, ce sont presque sept millions d’examens qui sont réalisés grâce à la production belge. Par ailleurs, nous produisons des radio-isotopes pour le développement de traitements ciblés contre le cancer. Prenons par exemple le lutécium-177. Ce radio-isotope est très prometteur pour le traitement du cancer de la prostate, responsable de 90.000 décès par an en Europe. Ou bien un des isotopes du terbium qui, au CERN MEDICIS, sont surnommés les « couteaux suisses » de la médecine nucléaire. »

N’importe qui peut fournir un système qui dure cinq ans. Les nouveaux générateurs diesel doivent continuer à fonctionner après l’exploitation. Nous préparons l’avenir.

Karel Sebrechts

Des emplois supplémentaires

Afin de pouvoir offrir davantage de jours de fonctionnement, le SCK CEN a augmenté le nombre de cycles d’exploitation du réacteur et a prolongé leur durée. Van Dyck : « Nous tournons maintenant de quatre à cinq semaines d’affilée, là où auparavant nous avions des cycles de trois semaines. Pour que tout se passe bien, nous avons engagé quelque 25 collaborateurs supplémentaires. Ces collaborateurs reçoivent une formation approfondie afin de maîtriser toutes les tâches. De fait, ils doivent s’entendre parfaitement. »

Avec le nouveau régime, la période d’arrêt, c’est-à-dire la période durant laquelle le réacteur ne fonctionne pas, est plus courte. Cela a un impact sur le planning des contrôles par exemple. « Tout est minutieusement programmé pour pouvoir effectuer tous les contrôles légaux et être en mesure de faire un entretien périodique. Nous prenons ces contrôles très au sérieux. La sûreté est et reste la priorité absolue. »

Le système de secours est divisé en deux trains. Si un train tombe en panne, nous en avons un autre en back-up : un système de secours pour un système de secours.

Bob Derboven
Les piliers du BR2

Les piliers du BR2

Notoriété, disponibilité et fiabilité. Le BR2 est au niveau mondial un fournisseur important de radio-isotopes médicaux. À partir de 2020, le réacteur sera plus que jamais disponible. Pour garantir la fiabilité, le SCK CEN a remplacé les diesels de secours. Les diesels de secours alimentent le réseau électrique du BR2 en cas de coupure de courant. « Dans une telle situation, le réacteur devrait être arrêté de manière imprévue. Lors d’un tel arrêt, nous perdons deux jours d’exploitation. Cela représente un pour cent sur base annuelle », précise Karel Sebrechts, à l’origine du projet de construction. « Quand on sait qu’annuellement ce sont 7 millions d’examens médicaux qui sont effectués grâce à la production belge de molybdène-99, on comprend clairement ce qu’un arrêt imprévu représente en termes de patients affectés. Les vieux diesels de secours avaient déjà plus de 50 ans de service au compteur. Nous ne pouvions plus compter sur eux aveuglément, il était temps de les remplacer. »

Dans l’ancien système, trois volants d’inertie tournaient en continu à raison de 1.000 tours par minute. Les volants étaient mécaniquement couplés aux générateurs diesel. Dès qu’il y avait une coupure de courant sur le réseau, les générateurs diesel se mettaient en route. Bob Derboven, ingénieur de projet : « Dans le nouveau concept, nous avons découplé les deux parties. Six volants intelligents tournent dans le vide à 10.000 tours par minute. Les volants absorbent une baisse de tension tandis que les générateurs diesels sont démarrés en parallèle électriquement. Une fois qu’ils ont démarré, ils reprennent le travail des volants. De plus, le système de secours est divisé en deux trains. Si un train venait à tomber en panne, nous avons l’autre en back-up. On peut appeler ça un système de secours d’un système de secours. » Le SCK CEN a construit un nouveau bâtiment pour y abriter les diesels de secours.

Prêt pour l’avenir


Les chefs de projet ont également mis au point un filet de sécurité pour un large éventail d’événements incidents. Et si un incendie éclatait ? Ou si un tremblement de terre se produisait sur ce terrain ? Derboven : « Le bâtiment est conçu pour résister aux tremblements de terre. En outre, il est divisé en différentes pièces. Cela signifie que nous pouvons contenir un incendie dans une pièce. De cette façon, les autres espaces restent intacts et nous pouvons garantir la sécurité opérationnelle du BR2. »

La modularité est au cœur de l’ensemble du concept. Sebrechts : « N’importe qui peut fournir un système qui dure cinq ans. Pour le BR2, l’horizon de temps n’est pas clair. Actuellement, le BR2 devrait être exploité jusqu’en 2026 mais nous avons introduit un dossier de sécurité pour prolonger cette période jusqu’à 2036. Indépendamment de l’exploitation, des groupes de secours devront rester opérationnels. C’est pourquoi il est important que nous puissions facilement étendre nos modules et remplacer des pièces. Nous regardons plus loin que l’exploitation, cela rend cette installation unique. Nous nous préparons pour l’avenir. »

En parlant du BR2, j’aime utiliser l’expression de « plaque tournante de la pertinence sociétale ». Les nombreuses manières dont notre réacteur de recherche est utilisé pour irradier des matériaux avec des neutrons l’illustrent parfaitement mais jamais de manière aussi directe que dans son rôle de fournisseur incontournable de radio-isotopes médicaux. Au cours de chaque cycle de fonctionnement, nous fournissons la matière première nécessaire pour l’équivalent d’au moins 1 million de diagnostics de cancer et pour le traitement thérapeutique de plus de 3.000 patients atteints de cancer. La pertinence sociétale du BR2 et par extension toutes les lignes de recherche de notre centre national de recherche nucléaire est quelque chose dont nous, les Belges, nous pouvons être fiers.

Sven Van den Berghe (Science des matériaux nucléaires)