2021/2026

Première production de terbium-161

Le terbium-161 : un radio-isotope émergent dans la lutte contre le cancer

Pour la première fois, le SCK CEN va plus loin dans la chaîne de production

Le terbium-161 : un radio-isotope émergent dans la lutte contre le cancer

Une dose locale plus élevée, un meilleur effet thérapeutique. Le terbium-161 apparaît comme un des radio-isotopes de l’avenir, mais l’est-il vraiment ? Pour approfondir cette question, le SCK CEN a commencé sa production à petite échelle. « Nous avons pris en charge toutes les étapes de la chaîne de production d’un produit radiopharmaceutique : de la préparation des capsules d’irradiation à l’étiquetage radioactif des biomolécules. Une première pour le SCK CEN ! », selon les radiochimistes concernés.

« Il a une demi-vie d’un peu moins de sept jours et se désintègre en émettant une particule bêta avec une énergie maximale d’environ 0,5 MeV. Des rayons gamma de faible niveau d’énergie sont également émis et utilisables pour l’imagerie. La définition décrit à première vue le radio-isotope thérapeutique lutécium-177, si ce n’était pour le fait que l’isotope en question émet également une quantité non négligeable d’électrons de conversion et d’Auger de faible niveau d’énergie. »

Le radio-isotope décrit ici est le terbium-161. « Un nouveau venu prometteur parmi les radio-isotopes thérapeutiques », déclare Andrew Burgoyne, radiochimiste au SCK CEN. « Les radio-isotopes thérapeutiques constituent un chaînon incontournable dans les traitements ciblés contre le cancer. Dans un tel traitement, une molécule porteuse véhicule un radio-isotope de manière très précise vers les cellules cancéreuses. Une fois que la molécule porteuse s’est attachée ou est absorbée par la cellule, le radio-isotope peut irradier la cellule cancéreuse. Les cellules cancéreuses ainsi endommagées vont mourir et la tumeur elle-même rétrécit. »

Le traitement local des cellules cancéreuses

Des traitements ciblés contre le cancer existent depuis longtemps. Qu’est-ce qui rend le terbium- 161 si particulier ? « Les électrons d’Auger », répond notre collègue radiochimiste Michiel Van de Voorde. « Lorsque le terbium-161 se désintègre, l’isotope émet en moyenne deux électrons d’Auger de faible niveau d’énergie par particule bêta. Une fois émis, les électrons d’Auger ne vont pas très loin tout comme les particules alpha. Ce qui signifie que par injection, une plus haute dose peut s’accumuler et la cellule cancéreuse est traitée très localement. De ce fait, les dommages causés aux tissus sains sont limités au minimum. Nous espérons donc un effet thérapeutique encore supérieur au lutécium-177. » Pour prouver cet effet thérapeutique, il reste encore beaucoup de tests (pré)cliniques à effectuer. « Toutefois, la disponibilité du terbium-161 est limitée, ce qui freine la recherche et le développement », fait observer Van de Voorde. On travaille à accroître la disponibilité et, en 2019, le SCK CEN a entamé une petite production. « Plus il y a de terbium- 161 disponible, plus il est possible d’accélérer la recherche, plus vite le radio-isotope pourra être utilisé pour des patients », déclare Bernard Ponsard, spécialiste de la physique des réacteurs et radioisotopes stakeholder manager.

De la production aux études précliniques

Par le passé, le SCK CEN ne s’occupait que de la première phase de production des radio-isotopes : l’irradiation des cibles. « Maintenant nous allons un pas plus loin dans la chaîne de production. C’est une première pour le SCK CEN », affirme Burgoyne. « Après irradiation dans le réacteur de recherche BR2, les capsules sont envoyées dans un laboratoire radiochimique du site de Mol. Dans ce laboratoire, on isole le terbium-161 pur en séparant l’isotope, par un procédé chimique, du gadolinium et du dysprosium. Nous avons implanté et optimisé la technique de séparation en interne. »

 

SCK CEN - Jaarrapport Highlights - BR2 (2020)

Dans les années à venir, nous voulons élargir le procédé vers d’autres radio-isotopes prometteurs.

Bernard Ponsard

Une montée en puissance

Les irradiations dans le réacteur de recherche BR2 pour produire le terbium ont commencé l’année dernière. « À chaque cycle, nous avons réservé quelques positions d’irradiation pour la production des quantités de terbium-161 nécessaires à la recherche. Lors du tout premier cycle, nous avons irradié deux capsules durant deux jours. Par la suite, nous avons augmenté systématiquement notre capacité d’irradiation : de deux capsules, on est passé à quatre, de deux jours d’irradiation, nous sommes passés à dix », explique Ponsard. Dans les années à venir, le SCK CEN veut faire certifier le processus de production GMP (Good Manufacturing Practice), augmenter la quantité produite (dans le cadre du projet NURA, voir l’encadré) et élargir le procédé vers d’autres radio-isotopes prometteurs. « Le lutécium-177, le tungstène-188/rhénium-188 et le samarium-153 viennent tout de suite à l’esprit », poursuit Van de Voorde. C’est pourquoi les radiochimistes vont disposer en 2020 d’un nouveau laboratoire spécialisé de radiochimie.

Le projet NURA : des produits radiopharmaceutiques pour le traitement du cancer

Le projet NURA : des produits radiopharmaceutiques pour le traitement du cancer

Le projet NURA mène des recherches novatrices sur les produits radiopharmaceutiques pour le traitement de différents types de cancer. Cela se fait en collaboration avec des partenaires cliniques et industriels. La KU Leuven est un des partenaires avec lequel les chercheurs du SCK CEN devraient effectuer les premiers tests précliniques avec le terbium-161. Ils ont déjà lié le terbium-161 à une molécule porteuse et évaluent actuellement le fonctionnement de ce produit radiopharmaceutique. Entretemps, des collaborations internationales sont déjà en cours de préparation.

La disponibilité du terbium-161 est limitée, ce qui freine la recherche et le développement.

Michiel Van de Voorde
Les frères Terbium

Les frères Terbium

Le terbium-161 peut également être utilisé avec un cocktail d’isotopes parents du terbium. Le terbium-155 pourrait mettre en lumière des éléments d’une maladie lors de scans SPECT. Le terbium- 152 pourrait être administré par des spécialistes pour des examens PET afin de détecter des tumeurs malignes et des métastases. Ou bien, ils peuvent suivre de près l’évolution de la thérapie contre le cancer qu’ils ont prescrite. « Pour la thérapie du cancer, nous espérons même être en mesure à l’avenir de faire appel au terbium-149 pour de la thérapie alpha d’une part, et du terbium- 161 pour la thérapie bêta d’autre part. Le terbium se prête donc parfaitement à la fois à des fins de diagnostic et pour le traitement. En bref : c’est un radio-isotope théranostique par excellence », poursuit Burgoyne. Mais pourquoi le SCK CEN opte-t-il pour la production de terbium-161 et non pour celle d’un des autres isotopes du terbium ? « Le terbium-161 peut être produit dans notre réacteur de recherche BR2. Pour produire d’autres isotopes du terbium, ce ne sont pas des neutrons mais des protons dont on a besoin », précise Bernard Ponsard. Cette installation est encore en phase de construction.

Nous avons implémenté et optimisé une technique de séparation en interne pour isoler le terbium-161 pur.

Andrew Burgoyne