2021 / 2026

MEDOC s’offre une seconde vie

Après 20 ans de MEDOC, on tire un trait… non définitif

Après 20 ans de service, le SCK CEN démonte l’installation qui a considérablement réduit l’empreinte du démantèlement du BR3

Après 20 ans de MEDOC, on tire un trait… non définitif

Après 20 ans, le SCK CEN a mis l’installation MEDOC hors service. C’est dans cette installation que les experts en démantèlement ont procédé au nettoyage des composants métalliques du réacteur en raclant chimiquement la couche de surface contaminée. Cette opération a considérablement réduit l’empreinte du démantèlement du réacteur BR3. Maintenant, le centre de recherche poursuit cette expérience couronnée de succès avec une méthode prometteuse pour le traitement final des déchets secondaires.

Avec la loi sur la sortie du nucléaire de 2003, le gouvernement fédéral a décidé de fermer progressivement les centrales nucléaires. La fermeture lancera un nouveau défi majeur : le démantèlement de la centrale. L’objectif est de restaurer le site en le ramenant à son état d’origine de sorte qu’une nouvelle affectation puisse être donnée au site. « Chaque projet de démantèlement a une règle d’or : réduire au maximum la quantité de déchets radioactifs à un coût acceptable », explique Kurt Van den Dungen, expert en démantèlement au SCK CEN.

Comment peut-on réduire la quantité de déchets radioactifs ? Lors du démantèlement du réacteur BR3, le SCK CEN a mis au point des techniques pour aider les spécialistes à réussir dans ce domaine. L’une de ces techniques se dénomme MEDOC. « MEDOC est l’acronyme de metal decontamination by oxidation with cerium (décontamination par oxydation avec du cérium). Comme son nom l’indique, nous trempons les composants métalliques du réacteur dans un bain acide de cérium à haute température. »

« Le cérium dissout la couche de surface superficielle contaminée de sorte que le métal n’est plus radioactif. Après traitement, les matériaux peuvent être évacués comme mitraille et être recyclés dans l’industrie sidérurgique », détaille Van den Dungen. Le SCK CEN a affiné un procédé existant considéré comme très prometteur dans la littérature scientifique, et a mis au point une installation pour décontaminer les composants contaminés du réacteur à eau pressurisée BR3.

L’installation mise en service en 1999 a soufflé ses 20 bougies l’année dernière. Van den Dungen : « Après 20 ans de bons et loyaux services, nous avons décidé de mettre l’installation à l’arrêt. Différents facteurs ont influencé cette décision. D’une part, on a terminé la phase de démantèlement dans laquelle la majeure partie des composants métalliques devaient être traités. D’autre part, vu que l’installation était logée dans le bâtiment du BR3, celle-ci constituait en elle-même une partie du projet de démantèlement. L’installation est actuellement en phase de démontage minutieux et on étudie des pistes pour lui donner une seconde vie. »

Valoriser une technique raffinée

Les experts en démantèlement ont obtenu un résultat remarquable avec l’installation MEDOC. Van den Dungen : « Au total, nous avons traité plus de 100 tonnes de métal dans l’installation MEDOC. Nonante pourcents ont pu être libérés et réutilisés et donc être réaffectés. Les dix pourcents restants ont été envoyés chez notre société voisine Belgoprocess, une filiale de l’Organisme National des Déchets Radioactifs et des matières Fissiles (ONDRAF), en charge de la gestion des déchets radioactifs en Belgique. » Grâce à cette technique, le SCK CEN a donc pu réduire la quantité de déchets radioactifs de manière drastique. « Nous avons obtenu des résultats remarquables avec l’installation MEDOC qui nous offrent des perspectives nouvelles pour l’avenir. »

« Nous désirons valoriser nos connaissances et notre expérience, mais nous devons d’abord trouver une solution définitive pour les déchets secondaires », poursuit Van den Dungen. Pour les déchets secondaires, on se réfère à la solution chimique dans laquelle les composants métalliques sont décontaminés. Elie Valcke, un autre collègue scientifique : « Cette solution de décontamination est radioactive ; elle doit donc aussi subir un traitement et recevoir une affectation finale. Nous étudions actuellement cette question en collaboration avec ENGIE, qui a manifesté son intérêt quant à l’utilisation de MEDOC pour ses centrales nucléaires. » Ce projet s’inscrit dans un accord-cadre entre ENGIE-Electrabel et le SCK CEN qui vise à tenir à jour les techniques et les activités en matière d’exploitation et de démantèlement de centrales nucléaires.

Le traitement des déchets secondaires est séparé en deux étapes : une étape de pré-traitement et une de conditionnement. Pendant la première étape (le pré-traitement), les chercheurs neutralisent la solution acide radioactive, laissent les dépôts radioactifs se déposer dans le fond et séparent les différents dépôts pour laver les sulfates solubles. Dans l’étape de conditionnement, ils mélangent les dépôts radioactifs restants avec une matrice d’immobilisation à base de ciment. « Les déchets conditionnés doivent répondre à un certain nombre de critères d’acceptation imposés par l’ONDRAF. Comment se comporte à court terme le ciment fraîchement fabriqué ? Quelle chaleur est générée ? Combien de temps faut-il pour que le ciment durcisse ? Dans quelle mesure les déchets conditionnés sont-ils stables durant un stockage prolongé à des températures et degrés d’humidité bas ou élevés ? Que se passe-t-il si les déchets conditionnés entrent en contact avec l’eau ? », s’interroge Valcke.

« Nous voulons à tout prix éviter une réaction alcali- granulat, qui est responsable de la gélification. Une réaction alcali-granulat est une réaction dans laquelle les sulfates font gonfler le ciment. Il existe cependant des types de ciment qui peuvent résister à des faibles concentrations de sulfate comme le type de ciment que nous composons et testons. C’est pourquoi nous filtrons à l’avance le plus de sulfates possibles. »

SCK CEN - Jaarrapport Highlights - MEDOC (2020)

Nous avons obtenu des résultats remarquables avec l’installation MEDOC qui nous offrent des perspectives nouvelles pour l’avenir.

Kurt Van den Dungen
Des tests sur plusieurs années

Des tests sur plusieurs années

La patience est une vertu. Les chercheurs du SCK CEN peuvent en attester pour ce projet. « Il faut des années pour tester en profondeur notre composition de ciment soigneusement définie », souligne Valcke. « La réaction chimique entre le ciment et l’eau libère de la chaleur, ce qu’on appelle la chaleur d’hydratation, provoquant une augmentation de température du mortier en cours de durcissement. La chaleur d’hydratation dépend entre autres de la composition du ciment et de sa granularité. Une température trop élevée durant le processus de production peut, après refroidissement, entraîner des fissures. Les premiers résultats sont encourageants : le ciment n’est pas trop chaud durant le processus de production, il durcit suffisamment vite, il peut résister aux tests de robustesse… Le fait que nous ayons pu engranger de tels résultats est dû à un excellent travail d’équipe. Maintenant nous étudions l’effet des données aberrantes dans la composition moyenne de la solution de décontamination. Dans la phase suivante, nous allons effectuer des tests avec des matériaux radioactifs. Différents composants peuvent influencer la stabilité du produit final. La formule du ciment doit être capable de faire face à ce problème. »

La solution chimique qui reste après le traitement doit aussi être traitée et obtenir une destination finale. Nous étudions actuellement cette question en collaboration avec ENGIE.

Elie Valcke