2021 / 2026

Un logiciel de calcul des doses de rayonnement

Une nouvelle technologie permet de mesurer la dose de rayonnement sans dosimètre

Une caméra et un ordinateur donnent aux médecins la possibilité de cartographier la dose de manière précise

Une nouvelle technologie permet de mesurer la dose de rayonnement sans dosimètre

Dans une salle d’opération, le personnel présent est exposé à chaque fois à une faible quantité de rayonnement ionisant. Pour éviter les risques pour la santé, les dosimètres enregistrent la dose de rayonnement individuelle. Cependant, ces appareils ne sont pas très précis. Le SCK CEN a développé avec six partenaires internationaux une technologie révolutionnaire afin de déterminer de manière plus précise les doses de rayonnement à l’aide d’une caméra et d’un software spécialisé. Cette technologie présente beaucoup de potentiel comme l’indique le projet PODIUM (Personal On-line Dosimetry Using Computational Methods).

Un radiologue interventionnel anesthésie localement la peau du patient, enfonce une aiguille dans l’aine et pose un cathéter dans le vaisseau sanguin. Il déplace le cathéter à l’endroit qu’il veut examiner et y injecte une substance de contraste. Durant l’intervention, il radiographie les vaisseaux sanguins.

La plupart des patients n’y pensent pas, mais le médecin opérant est aussi exposé à un rayonnement ionisant. La dose que le médecin reçoit dépend des traitements qu’il effectue. Par exemple, lorsqu’il réalise des radiographies est-il légèrement penché au-dessus du patient ou a-t-il les mains au-dessus du patient ? En fonction de sa position, le niveau de la dose peut être plus ou moins élevé. Un dosimètre classique mesure la quantité de rayonnement au niveau du dosimètre. Avec une caméra et des détecteurs de mouvement, il est possible de déduire la dose de rayonnement pour les différentes parties du corps.

Un software spécialisé

Un software spécialisé

Avec six partenaires internationaux, le SCK CEN a développé une technologie révolutionnaire pour calculer la dose individuelle de rayonnement reçue par le médecin. Cette technologie se compose d’une caméra et d’un software spécialisé. La caméra – avec les détecteurs de mouvements – suit de près toutes les actions du radiologue interventionnel et enregistre tous les mouvements du corps. Le logiciel rassemble toutes les données avec le faisceau de l’appareil de radiographie utilisé et calcule ainsi la dose de rayonnement encourue. « Le logiciel tient compte du champ de rayonnement de la source et de la distance entre le radiologue et le patient », explique Pasquale Lombardo, chercheur au SCK CEN. « Quelle énergie a le rayonnement ? De quel angle certaines parties du corps sont-elles, irradiées ? Tout cela fait une différence. »

Une dosimétrie sur mesure

Le logiciel de cette nouvelle technologie a été mis au point sur base de simulations sur des mannequins. Cela s’est déroulé au St. James’s Hospital en Irlande et à l’hôpital universitaire de Malmö en Suède. Les chercheurs ont placé des torses anatomiques près d’un générateur de rayons X. « Nous avons scotché plein de dosimètres sur les torses pour cartographier l’exposition aux rayonnements pour l’ensemble du corps », poursuit Pasquale Lombardo. « Nous avons effectué les mêmes mesures avec et sans équipements de protection individuelle. Par exemple, quelle dose mesurons-nous dans les différents organes si le torse est protégé par un tablier de plomb ? C’est une information cruciale. Nous avons aussi utilisé des torses dans différentes configurations : homme ou femme, grand ou petit… Cela devrait permettre plus tard d’aller vers une dosimétrie individualisée. »

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Homme ou femme, petit ou grand…Notre nouvelle technologie permet une dosimétrie sur mesure.

Pasquale Lombardo

Plus de tests nécessaires

La technologie étudiée semble dépasser les dosimètres physiques actuels. Pourquoi alors ne pas supprimer ces derniers purement et simplement ? « Ne sautons pas les étapes », tempère le coordinateur du projet Filip Vanhavere face aux attentes. « Les dosimètres physiques ont effectivement leurs limites. Ainsi, il est vrai qu’ils n’offrent qu’un seul point de mesure pour l’ensemble du corps. En conséquence, ils ne peuvent donner que peu d’informations sur l’ensemble des différents organes. Les résultats des mesures ne sont disponibles qu’après quelques semaines et il y a un facteur d’incertitude de deux en ce qui concerne la précision de la mesure. Notre logiciel offre la possibilité d’outre passer ces limitations, mais la technologie en est encore à ses balbutiements. Son développement doit être poursuivi et testé. »

Les partenaires du consortium visent à réaliser un protoype en 2021, le lancement du prototype en 2023 et 2025 pour mettre le produit sur le marché. En même temps, ils veulent décliner le produit dans d’autres contextes que la radiologie interventionnelle et la cardiologie. L’an dernier, les chercheurs ont déjà configuré un équipement de test dans des zones de travail avec des neutrons.

Une nouvelle approche

La nouvelle technologie respecte le principe légal ALARA (As Low As Reasonably Achievable). Ce principe stipule qu’une dose de rayonnement doit toujours être aussi faible que possible. Partout dans le monde, d’autres chercheurs ont déjà utilisé des caméras avec des détecteurs de mouvements pour respecter le principe ALARA. Dès qu’une personne s’approche de trop près d’une source (de rayonnement), un avertissement s’affiche. Mais le projet PODIUM va encore plus loin.

Vanhavere : « Nous utilisons des caméras pour la dosimétrie humaine. Cette approche innovante est unique au niveau mondial. De plus, les ordinateurs deviennent de plus en plus rapides. C’est important car nous calculons les doses au niveau des organes sur base de simulations appelées simulations de Monte-Carlo. Une simulation de Monte-Carlo est une technique de calcul assistée par ordinateur dans laquelle un processus physique est simulé non pas une fois mais beaucoup de fois. Dans nos recherches, ce processus physique consiste en l’émission de particules de rayonnement. »

« Dans une simulation de Monte-Carlo, des millions de particules de rayonnement sont émises à partir d’un générateur de rayons X », explique Lombardo. « Chaque particule de rayonnement a son énergie propre ou se déplace dans une autre direction. Nous les suivons tous sur leur trajectoire et calculons la dose de rayonnement qui touche les différents organes. A chaque fois que le médecin se déplace, nous répétons la même simulation. Cela demande énormément de puissance de calcul et donc des ordinateurs rapides, mais on obtient également des données très précises. Aussi longtemps que la puissance de calcul des ordinateurs et que la qualité des images de la caméra augmentent, nous pouvons davantage améliorer notre technologie. »

Sept partenaires pour un projet

Sept partenaires pour un projet

Sept partenaires ont uni leurs forces pour faire du projet innovant PODIUM un succès : le SCK CEN (Belgique), l’Universitat Politècnica de Cataluyna – UPC (Espagne), le Helmholtz Zentrum München (Allemagne), l’Université de Lund (Suède), la Santé Publique Anglaise (Grande-Bretagne), la Commission d’Energie Atomique Grecque (Grèce) et le St. James’s Hospital Ireland (Irlande). « Un suivi dosimétrique individuel est crucial pour une bonne protection contre les rayonnements. Notre ambition est de poursuivre la recherche et d’améliorer nos techniques de mesure actuelles », déclare Filip Vanhavere.

Le projet PODIUM est financé par le programme de recherche et de formation 2014-2018. Celui-ci fait partie du projet H2020 CONCERT, un programme européen qui intègre les recherches nationales et européenne en radioprotection.

Nous utilisons des caméras pour la dosimétrie humaine. Cette approche innovante est unique au niveau mondial.

Filip Vanhavere

La quatrième révolution industrielle fusionne les mondes de la physique, du numérique et de la biologie. En radioprotection, les sciences de base sont aussi aidées des avancées technologiques, de l’intelligence artificielle, des algorithmes d’apprentissage automatique et des big data. Toutes ces aides permettent une meilleure protection de l’homme et de son environnement dans les applications médicales, les études d’impact avancées, les missions spatiales… Ce maillon, innovant et rigoureux, est indispensable dans un réseau multidisciplinaire.

 

Hildegarde Vandenhove (Environnement, Santé et Sûreté)